L'opposition veut "une transition consensuelle et pacifique"

Publié le par vicky delore ndjeuga

ADO, BEDIé, MABRI, ANAKY écrivent à Obasanjo :
 
“Il faut une transition consensuelle et pacifique”
 
A l’occasion du Sommet d’Abuja les leaders du RHDP ont écrit une lettre au président en excercice de l’U.A. Olusegun Obasanjo pour lui signifier clairement leur position.

“Il faut une transition consensuelle et pacifique”

Abidjan, le 29 septembre 2005

Son Excellence
Monsieur Olusegun OBASANJO
Président de la République Fédérale du Nigeria
Président en exercice de
l’Union Africaine
ABUJA

Monsieur le Président de la République,

Au moment où va se tenir à Abuja, le 30 septembre 2005, un sommet de la CEDEAO consacré à la crise ivoirienne, nous voudrions, par la présente, vous faire part de notre analyse sur la situation en Côte d’Ivoire à l’expiration du mandat présidentiel fin Octobre 2005.

En effet, la Côte d’Ivoire se trouvera à trente jours du 30 octobre 2005, date limite pour la tenue du premier tour de l’élection présidentielle, conformément aux dispositions de l’article 36, 4ème alinéa de la Constitution.

Il est acquis, désormais, que cette échéance constitutionnelle ne pourra pas être respectée. Il nous suffira de rappeler, à cet égard, la déclaration faite, récemment, par le Secrétaire Général de l’ONU, Son Excellence KOFI ANNAN, où il a pris acte de «l’impossibilité de la tenue d’élections crédibles à la date constitutionnelle du 30 octobre 2005».
Cette prise de position du Secrétaire Général de l’ONU conforte les analyses que nous avions déjà faites dans notre correspondance en date du 8 septembre 2005, sur les retards constatés dans la mise en œuvre des différents accords de paix sur la Côte d’Ivoire.
Cette situation qui n’est pas prévue par la Constitution crée un vide juridique qui nécessite la mise en place d’une transition civile comme unique voie de sortie de crise.

1- Le problème de vide constitutionnel

L’article 35 de la Constitution dispose que le mandat du Président de la République est de 5 ans.

Selon l’article 36, «le premier tour du scrutin a lieu dans le courant du mois d’octobre de la cinquième année du mandat du Président de la République»
Le vide constitutionnel concerne la période qui court à compter du 1er novembre 2005 jusqu’à la tenue effective des prochaines élections dans les conditions acceptées par tous. Aucun des articles de la Constitution traitant de l’élection du Président de la République ou de son mandat ne peut s’appliquer à cette période. Ce sont essentiellement les articles 35, 36, 38, 39 et 40.

Si au cours du déroulement normal des élections ou de la proclamation des résultats, des événements ou circonstances graves (atteinte à l’intégrité du territoire, …) survenaient, l’article 38 autorise l’arrêt des opérations électorales ou la suspension de la proclamation des résultats et permet que le Président de la République demeure en fonction, pendant quatre-vingt dix (90) jours au maximum.

Vous noterez que l’article 38 s’applique uniquement lorsque :

les électeurs ont commencé à voter, effectivement, et que des événements viennent interrompre «le déroulement normal des élections» ;
«la proclamation des résultats» a démarré, quand des événements surviennent, pour l’interrompre.

Au 30 octobre 2005, aucune de ces deux hypothèses ne pourra se présenter. En conséquence l’article 38 ne pourra s’appliquer.

Lorsqu’il n’y a pas eu d’élection au terme du mandat du Président sortant, l’article 39 ne peut être appliqué. Il règle uniquement le conflit de compétence entre le Président sortant et le Président entrant ; les pouvoirs du premier prennent fin dès la prestation de serment du nouveau président.

En effet, cet article 39 ne peut s’appliquer que :
dans le cas où l’élection s’est déroulée, sans incident, à l’échéance constitutionnelle ;
lorsque des «événements ou des circonstances graves» ont interrompu «le déroulement normal des opérations électorales (…) ou la proclamation des résultats».

Par ailleurs, l’article 40 confie l’intérim du Président de la République au Président de l’Assemblée Nationale, en cas de vacance par décès, démission ou empêchement absolu. Mais, l’article 40 s’applique uniquement lorsque le mandat du Président de la République est en cours. Nous faisons observer qu’à l’expiration du mandat du Président de la République, le 30 octobre 2005, il ne saurait y avoir d’intérim à assurer.

2- La nécessité d’une transition civile

De notre point de vue, pour faire face à ce vide constitutionnel, une transition civile s’impose.
En effet, les nombreux blocages qui ont émaillé et ralenti le processus de paix, depuis trois ans, résultent des causes suivantes :
volonté clairement affichée par le Président de la République et le camp Présidentiel de recourir à la guerre comme unique solution de sortie crise, comme en témoignent les différentes violations directes ou indirecte de cessez le feu (M’bahiakro, Logoualé, Bouaké) ;
dénaturation délibérée par les députés membres du FPI, des textes de lois issus des accords ;
Aussi, nous tenons, expressément, le Chef de l’Etat, Monsieur Laurent Gbagbo et le camp présidentiel pour principaux responsables de ces blocages.
C’est pourquoi, nous estimons qu’un simple report technique ou une transition dans laquelle le Président Laurent Gbagbo demeurera Président ne fera qu’accentuer les blocages et aggraver les souffrances du peuple de Côte d’Ivoire.
Au surplus, nous tenons à relever les révélations graves et précises faites par des Officiers Généraux et des Officiers Supérieurs des FANCI, notamment l’ex Chef d’Etat Major des Armées et l’ex porte-parole des Forces de Défense et de Sécurité de Côte d’Ivoire, sur l’existence effective des escadrons de la mort logés à la Présidence de la République et dont les membres nommément désignés sont recrutés dans l’entourage immédiat du couple présidentiel.
L’extrême gravité de ces révélations jette un discrédit total sur le Chef de l’Etat et le disqualifie, d’autant plus qu’il a violé le serment qu’il a prêté, en ces termes, lors de son investiture, sur la base de l’article 39 de la Constitution:

«Devant le peuple souverain de Côte d’Ivoire, je jure solennellement et sur l’honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, de protéger les Droits et Libertés des citoyens, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans l’intérêt supérieur de la nation.

Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois si je trahis mon serment».

Nous accusons directement le Chef de l’Etat, Monsieur Laurent Gbagbo, d’avoir trahi son serment sur la question des Droits de l’Homme, des Libertés Publiques et de l’intégrité du territoire, en raison de la partition du pays et des violations répétées des Droits de l’homme.
Nous considérons que le Chef de l’Etat, Monsieur Laurent Gbagbo, s’est discrédité et disqualifié pour conduire cette transition. La transition devra donc se faire sans Monsieur Laurent Gbagbo comme Président.

La nécessité d’une concertation politique pour la mise en place de la
transition civile
D’une manière générale, les conditions et modalités de mise en place de la transition devront être discutées et arrêtées, de façon consensuelle, par l’ensemble de la classe politique, avec l’assistance de la Communauté Internationale.
Concernant particulièrement ses missions, elles visent toutes les réformes Constitutionnelles et législatives découlant de l’application des Accords de paix de Linas Marcoussis, d’Accra et de Pretoria, qui n’ont pas encore été effectivement mises en œuvre, à ce jour, à savoir :

L’achèvement des réformes Législatives et constitutionnelles ;
L’identification des populations ;
La révision des listings électoraux sur toute l’étendue du territoire ;
Le désarmement et le démantèlement des Milices ;
Le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des combattants ;
La réunification du pays ;
Le redéploiement de l’administration ;
La restauration de la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire, en faisant évoluer le mandat onusien ;
Le rétablissement de l’intégrité territoriale ;
La formation d’une nouvelle armée républicaine ;
L’instauration de l’Etat de Droit ;
La promotion de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale ;
L’organisation d’élections justes, libres, transparentes, crédibles et ouvertes à tous, pour doter le pays d’Institutions Démocratiques et Légitimes.

Les problèmes matériels pour la tenue des élections

Il apparaît clairement que les élections ne peuvent se tenir sans un cadre technique adéquat et un environnement sécuritaire et démocratique rassurant.
Au plan technique, on note, notamment :
la non mise en place de la Commission Electorale Indépendante (CEI), le décret portant nomination de ses membres n’est toujours pas signé par le Chef de l’Etat, bien qu’il ait été adopté par le Conseil des Ministres;
les documents d’identification définitifs, en l’occurrence les cartes nationales d’identité, ne sont plus délivrés aux populations ivoiriennes depuis six ans;
l’absence du recensement électoral depuis sept ans ;
l’indisponibilité du listing électoral, qui aurait dû être affiché depuis le 31 juillet 2005, soit trois mois au minimum avant le premier tour du scrutin présidentiel ;
l’impossibilité matérielle et financière de confectionner des cartes d’électeurs.
Au plan de la sécurité, la situation du pays se caractérise, particulièrement, par :
la prolifération des milices armées, qui opèrent en plein jour et en toute impunité, sur toute l’étendue de la zone sous contrôle gouvernemental;
un grave retard accusé dans le désarmement des forces belligérantes ;
un détournement massif des dotations officielles en armes de guerre vers les milices et groupes armés à la solde du Chef de l’Etat;
la violation persistante et réitérée des Droits de l’Homme dans l’impunité la plus totale.
Enfin, au plan démocratique, nous nous contenterons de relever :

la partition de la Côte d’Ivoire en deux zones ;
la rupture de confiance entre les acteurs de la vie politique ;
le non redéploiement de l’administration ;
la militarisation de l’administration en zone sous contrôle gouvernemental ;
les atteintes aux libertés et aux principes démocratiques les plus élémentaires.

Conclusion
Nous restons convaincus que tant que le Président Laurent Gbagbo et le camp présidentiel demeureront les principaux gestionnaires de cette crise, les blocages ci-avant énumérés se perpétueront.
De notre point de vue, le retour à une paix durable en Côte d’Ivoire passe par une transition civile consensuelle et pacifique.
Nous nous réjouissons de la poursuite des efforts de la CEDEAO et de l’UNION AFRICAINE, en vue de la résolution de la crise ivoirienne et vous assurons de notre soutien.
Nous exprimons, à nouveau, notre gratitude à la communauté internationale, ainsi qu’au Secrétaire Général de l’Onu, Son Excellence Monsieur Kofi Annan, pour la constante sollicitude à l’égard du peuple de Côte d’Ivoire.
Nous vous renouvelons notre disponibilité à contribuer, de façon responsable et déterminante, à la mise en œuvre diligente de la transition civile et à sa gestion concertée et consensuelle, avec l’appui indispensable de la Communauté Internationale.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en l’assurance de notre très haute considération.

Henri Konan Bédié
Président du PDCI-RDA
Alassane D. OUATTARA
Président du RDR

Albert Mabri TOIKEUSSE
Président de l’UDPCI
Kobena I. ANAKY
Président du MFA


Ampliation :
Son Excellence Monsieur Kofi ANNAN, Secrétaire Général de l’ONU
Son Excellence Monsieur Mamadou TANDJA, Président en exercice de la CEDEAO
Son Excellence Monsieur le Président Alpha Oumar KONARE, Président de la Commission de l’Union Africaine
Son Excellence Monsieur Mohamed Ibn CHAMBAS, Secrétaire Exécutif de la CEDEAO
Monsieur Antonio MONTEIRO, Haut Représentant de l’ONU pour les élections en Côte d’Ivoire
Monsieur Pierre SCHORI, Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Côte d’Ivoire
 

Publié dans crise ivoirienne

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article